Les cégeps traversent présentement une période de profonde incertitude : compressions budgétaires touchant notamment les infrastructures et les bibliothèques, hausse de nouvelles inscriptions en raison de la dynamique démographique, ou encore, doute quant au nombre maximal d’étudiants internationaux autorisés à fréquenter ces établissements d’enseignement supérieur.
À ces enjeux s’ajoutent des événements impromptus tels que des cyberattaques, et divers incidents qui perturbent la capacité de planification et de prise de décision des cégeps.
Dans cet esprit, les présidents des conseils d’administration des cégeps ont récemment dénoncé les plus récentes décisions gouvernementales en matière de financement. Ils ont notamment pointé du doigt les déficits d’investissement, le gel des embauches externes et les restrictions dans les dépenses, estimant que ces mesures entravent l’autonomie et la capacité même des cégeps à remplir leurs mandats.
Un outil pour aider les cégeps
C’est dans ce contexte que notre équipe de chercheurs de l’Université du Québec à Rimouski, composée de professeurs en gestion de projet et en sciences comptables, a développé une cartographie des risques en collaboration avec deux cégeps situés dans des régions administratives différentes.
Notre projet avait pour ambition de concevoir un outil pragmatique, fondé sur les meilleures pratiques en gestion du risque, pour identifier plus facilement les principaux risques qui pèsent sur ces institutions. L’outil que nous avons conçu permet ainsi aux cégeps de mettre en place des mesures susceptibles de les aider à prévenir et à résoudre les enjeux auxquels ils sont confrontés et qui peuvent compromettre l’atteinte de leurs objectifs.
Par exemple, ces mesures peuvent contribuer à offrir un milieu de vie sain et sécuritaire pour la communauté étudiante et les membres du personnel, et ce, malgré les menaces externes qui pèsent sur eux.

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Discriminer risque et menace
La première étape consistait à distinguer clairement les menaces, définies comme des événements ou incidents externes, et les risques, qui se traduisent par « l’effet de l’incertitude sur l’atteinte des objectifs ».
Les menaces, par leur nature, échappent au contrôle direct des cégeps, qui ne peuvent empêcher la survenue de tous les événements susceptibles de perturber leurs activités d’enseignement. Les établissements peuvent toutefois s’y préparer en évaluant les risques associés aux principales menaces qui les guettent et en mettant en place des solutions préventives.
Ainsi, un cégep peut anticiper les risques pouvant nuire à ses activités et réduire les incidences négatives. Par exemple, une pandémie constitue une menace, et la gestion de la sécurité sanitaire de la communauté un risque, car il relève de la responsabilité de ces établissements.
Les cégeps peuvent déployer diverses mesures telles que l’instauration de cours virtuels, la mise en place de règles de distanciation sociale ou la ventilation des espaces fréquentés par les personnes étudiantes et membres du personnel.
Les principales catégories de risque
Nous avons ensuite procédé à une revue exhaustive de la littérature et organisé des groupes de discussion avec les cégeps participants afin de définir les six principales catégories de risque décrites ci-dessous :
Stratégique : les risques liés au mandat et aux orientations stratégiques de l’organisation.
Financier : les risques liés aux activités administratives et financières.
Opérationnel : les risques liés à des processus internes inadéquats ou défaillants.
Technologique : les risques associés à une utilisation inadéquate, une défaillance ou à une désuétude des infrastructures informatiques.
Réputationnel : les risques liés à toute activité ou situation pouvant affecter la réputation de l’organisation et porter atteinte aux valeurs et à la renommée de l’établissement, et par voie de conséquence à la confiance des parties prenantes.
Sécurité : les risques liés à la sécurité physique des personnes étudiantes et membres du personnel ainsi qu’à la sécurité informationnelle de l’établissement et associés à un danger environnemental, physique ou technologique.
Les sous-catégories des risques
Pour chacune de ces catégories, le tandem UQAR-cégeps a ensuite identifié des risques spécifiques exprimés sous forme de sous-catégories.
Par exemple, les risques liés aux activités administratives et financières qui affectent les ressources financières peuvent se décliner dans les quatre sous-catégories suivantes : les risques liés aux acquisitions de biens et services, les fraudes et les vols, les projets majeurs et le financement public. Cette démarche de détermination des sous-catégories de chacun des six principaux risques reposait sur une veille stratégique et sur l’analyse des événements récents dans le secteur collégial ainsi que sur une analyse prédictive visant à explorer divers futurs plausibles.
Le personnel deux établissements collégiaux avec qui nous avons collaboré, ainsi que les comités relevant de la gouvernance (conseil d’administration, comité exécutif et sous-comités), peuvent maintenant utiliser cette cartographie des risques. Elle leur sert dans la détermination et l’analyse des risques associés à tout projet de quelque nature qui soit comme le démarrage d’un nouveau programme, l’accueil d’étudiants internationaux ou la construction de nouvelles résidences.
Nous poursuivons les travaux avec une deuxième phase permettant de valider et, au besoin, de modifier la cartographie des risques. Ce travail sera effectué en collaboration avec plusieurs autres cégeps du Québec. L’objectif est de publier une cartographie des risques valide et utile pour l’ensemble des établissements du réseau collégial. Nous souhaitons également avoir recours à l’intelligence artificielle pour identifier d’autres risques émergents et non répertoriés par les participants à la recherche et la littérature sur ce sujet.