En 2021, environ 6 % de la population mondiale ou 529 millions de personnes vivaient avec le diabète, principalement de type 2 (DT2). Toujours en 2021, cette maladie a causé 1,6 million de décès.
Le DT2 est une maladie complexe qui se développe au fil du temps, lorsque le corps ne peut pas produire suffisamment d’insuline et/ou ne peut pas répondre aux actions de l’insuline. Cette faille nuit à la capacité à utiliser et à stocker les sucres, les graisses et les protéines.
Et elle n’est pas sans conséquence.
Le DT2 augmente le risque de plusieurs maladies, notamment les maladies cardiovasculaires (MCV) et les accidents vasculaires cérébraux. Par ailleurs, le DT2 reste la principale cause d’invalidité et de décès dans le monde.
Heureusement, le DT2 est évitable.
Chercheure en nutrition, mes travaux de recherche visent à développer des outils qui peuvent contribuer à prévenir le développement de certaines maladies cardiométaboliques.
L’apoB sanguin et le DT2
Chez les personnes atteintes de DT2, un nombre élevé de particules transportant le mauvais cholestérol (appelées low-density lipoproteins (LDL)), qu’on mesure à titre de apoB sanguin, est associée au développement de MCV.
Historiquement, on a longtemps pensé qu’un taux élevé d’apoB sanguin était une conséquence du DT2. Cette théorie découle du fait que l’apoB est une protéine sur les LDL qui est nécessaire à leur formation.
Or, des données cliniques issues de mon unité de recherche sur la nutrition, les lipoprotéines et les maladies cardiométaboliques à l’Institut de recherche clinique de Montréal (IRCM), et confirmées par des études populationnelles, indiquent plutôt que de taux élevé d’apoB sanguin est une cause, en plus d’être une conséquence du DT2.
Mais les mécanismes reliant l’apoB sanguin au risque de DT2 et les interventions nutritionnelles pour les traiter demeurent inconnus.
Comprendre les mécanismes et le traitement des facteurs de risque du DT2
Une analyse récente de 67 études sur les humains a montré que le taux sanguin élevé d’acides gras oméga-3, qui sont principalement présents dans l’huile de poisson de type EPA (acide eicosapentaénoïque) et DHA (acide docosahexaénoïque), est lié à une incidence plus faible du DT2 et des MCV.
Pour comprendre comment l’apoB sanguin et les EPA+DHA peuvent moduler le risque de DT2, mon équipe a recruté, entre 2013 et 2019, quarante bénévoles en bonne santé qui ne prennent pas de médicaments pour participer à un étude clinique à l’IRCM.
Les participants et les participantes ont suivi une supplémentation de 12 semaines en oméga-3 (fournissant 2,7 grammes d’EPA et DHA par jour), tout en maintenant leur régime alimentaire habituel. Nous avons mesuré le métabolisme des glucides et des graisses et les réponses inflammatoires des participants, en particulier dans leur tissu adipeux (la graisse), avant et après la supplémentation.
Il importe de mentionner que l’inflammation est un mécanisme de défense naturel de l’organisme qui permet de lutter contre les infections. Cependant, lorsque celle-ci persiste pendant une longue période, même sans infection, elle favorise le développement de maladies chroniques comme le DT2 et les MCV.
L’objectif de cette étude était d’explorer si les LDL induisent l’inflammation chronique dans le tissu adipeux des sujets et si l’oméga-3 peut agir comme traitement.

Des découvertes prometteuses
Nous avons constaté qu’avant la supplémentation en EPA et DHA, les sujets qui avaient un taux élevé d’apoB sanguin (ou un nombre élevé de LDL) présentaient une inflammation plus élevée dans leur tissu adipeux que les sujets ayant un taux faible d’apoB. L’inflammation de leur tissu adipeux était associée à des anomalies du métabolisme des glucides et des graisses, qui augmentent le risque de DT2 et de MCV.
La prise de suppléments d’EPA et de DHA pendant 3 mois a réduit la capacité du LDL des sujets à induire une inflammation dans leur propre tissu adipeux. Elle a également éliminé le lien entre l’inflammation du tissu adipeux induite par le LDL ou d’autres déclencheurs métaboliques et microbiens avec plusieurs facteurs de risque de DT2 et MCV.
De plus, l’EPA et le DHA améliorent la capacité du corps à sécréter de l’insuline en réponse à une augmentation de la glycémie et à éliminer les graisses sanguines après un repas riche en graisses. Plus les niveaux d’EPA et surtout de DHA dans le sang étaient élevés, meilleur était le traitement de ces facteurs de risque.
Ces découvertes ont été publiées dans deux articles dans la revue Scientific Reports en 2023 et 2024, représentant les résultats avant et après la supplémentation en oméga-3.
Un gras essentiel
Les acides gras oméga-3 doivent être obtenus par l’alimentation, car le corps ne peut pas les synthétiser en quantité suffisante.
La Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada recommande de consommer deux portions de poisson par semaine, en particulier de poisson gras comme le hareng, le saumon, et le maquereau. Cet apport fournirait environ 3 g d’EPA et de DHA par semaine.
Les acides gras oméga-3 peuvent également être trouvés dans les aliments d’origine végétale, tels que les graines de lin et les aliments enrichis. Cependant, le corps humain ne peut pas convertir les oméga-3 d’origine végétale en EPA et DHA en quantité suffisante.
Selon Santé Canada, un apport quotidien allant jusqu’à 5 grammes d’EPA et de DHA aide à soutenir et à maintenir la santé cardiovasculaire, la santé cognitive, la fonction cérébrale et l’équilibre de l’humeur chez les adultes. L’EPA et le DHA aident également à réduire la graisse sanguine et la douleur associée à la polyarthrite rhumatoïde.
Les suppléments d’huile de poisson sont une autre source d’EPA et de DHA. Mais il est important de vérifier qu’ils ont reçu la certification Internationally Verified Omega-3 (IVO), qui assure la qualité et le respect des normes les plus élevées au monde en matière de pureté et de puissance.
Nos découvertes suggèrent que cibler les personnes ayant un taux élevé d’apoB avec de l’EPA et du DHA peut aider à réduire l’incidence du DT2 ainsi que des MCV.
En d’autres termes, les oméga permettraient de faire d’une pierre deux coups pour la prévention de deux maladies courantes et débilitantes dans le monde.
Actuellement, mon équipe étudie comment la réduction du taux de LDL dans le sang peut augmenter le risque de DT2 tout en réduisant le risque de maladies cardiovasculaires (et le rôle de l’EPA et du DHA dans ce processus). La participation à l’étude est accessible à tous les Canadiennes et Canadiens.