Dans les eaux calmes de l’immense réseau de lacs et de rivières du Canada, un petit envahisseur se propage discrètement. Le cladocère épineux, Bythotrephes cederströmii, est un prédateur microscopique qui est en train de bouleverser à jamais le tissu écologique des milieux aquatiques du Canada.
Originaire d’Eurasie, Bythotrephes a un impact majeur sur les écosystèmes qu’il infeste. Sa présence dans les eaux canadiennes constitue un défi environnemental constant, qui entremêle le sort des espèces indigènes et les menaces causées par les changements climatiques.
Cet article fait partie de notre série Nos lacs : leurs secrets, leurs défis. Cet été, La Conversation vous propose une baignade fascinante dans nos lacs. Armés de leurs loupes, microscopes ou lunettes de plongée, nos scientifiques se penchent sur leur biodiversité, les processus qui s’y produisent et les enjeux auxquels ils font face. Ne manquez pas nos articles sur ces plans d’eau d’une richesse inouïe !
Minuscule et destructeur
Bythotrephes, qu’on appelle « water flea » en anglais (puce d’eau), n’a pourtant rien d’une puce ni d’un parasite.
Bythotrephes appartient à la famille des crustacés zooplanctoniques et fait partie d’un groupe d’arthropodes microscopiques situés près de la base du réseau trophique aquatique et apparentés à d’autres crustacés comme les crevettes et les homards.
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Son régime alimentaire se compose principalement d’autres crustacés zooplanctoniques, les herbivores étant sa nourriture préférée. En s’attaquant à ces organismes importants, le Bythotrephes peut déstabiliser le réseau trophique local. Ce phénomène entraîne une diminution des populations de poissons indigènes qui se nourrissent de zooplancton.
Le Bythotrephes est doté d’une longue queue épineuse, qui en fait une proie difficile pour la plupart des poissons et permet à ses populations de croître de façon pratiquement incontrôlée dans de nombreux lacs.
Il est alarmant de constater à quel point le cladocère épineux se répand rapidement.
Les activités humaines, en particulier la navigation de plaisance et la pêche sont les principaux vecteurs de cette propagation. Les bateaux et les équipements utilisés dans les eaux infestées peuvent abriter des cladocères et leurs œufs, qui sont remarquablement résistants au gel et au dessèchement et
capables de survivre hors de l’eau pendant de longues périodes.
Les amateurs de plein air peuvent transporter ces envahisseurs dans de nouveaux habitats sans le savoir, créant parfois des infestations loin du point d’invasion initial. Cependant, la propagation du cladocère épineux n’est pas seulement le résultat direct des activités humaines, elle est également exacerbée par les changements climatiques.
Conditions favorables
Le climat canadien a toujours été hostile à cette espèce. Mais avec la hausse des températures mondiales et la modification des régimes climatiques, de plus en plus de régions du Canada connaissent des conditions favorables à la prolifération d’espèces envahissantes comme le cladocère épineux.
Le réchauffement des eaux, en particulier, prolonge sa période de reproduction, augmentant ainsi le nombre de cycles de reproduction au cours d’une année. Cela accentue la croissance de sa population ainsi que son potentiel de colonisation, et accélère sa propagation dans les eaux canadiennes.
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Des hivers plus doux et une fonte des glaces hâtive permettent à Bythotrephes de survivre et de se reproduire dans des régions où il n’était pas en mesure d’établir des populations auparavant. Ces transformations des conditions environnementales lui offrent de nouvelles possibilités d’étendre son aire de répartition et de faire concurrence aux espèces indigènes pour les ressources, exacerbant les perturbations écologiques causées par sa présence.
Au moment où nous sommes confrontés au double défi de la gestion des espèces envahissantes et de l’adaptation aux changements climatiques, il devient de plus en plus évident que la lutte contre la propagation de Bythotrephes nécessite une approche holistique et interdisciplinaire.
Les solutions
La lutte contre la propagation de Bythotrephes présente de multiples facettes et nécessite un mélange de recherche scientifique, d’action politique et de participation du public. Après la prévention, on doit tabler sur la surveillance en vue d’une détection précoce.
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Une surveillance accrue des habitats potentiels peut contribuer à l’identification hâtive de nouvelles infestations, et permettre d’agir plus rapidement pour les contenir ou les éradiquer.
La sensibilisation et l’éducation du public sont tout aussi importantes. La maxime « nettoyer, vider, sécher » devrait être le mantra de tous ceux qui pratiquent des loisirs aquatiques. En nettoyant et en séchant soigneusement les bateaux et les équipements, on réduit considérablement le risque de transporter Bythotrephes et d’autres espèces envahissantes vers de nouveaux sites.
Les campagnes de sensibilisation permettent également d’informer le public du rôle essentiel qu’il peut jouer dans l’arrêt de la propagation des espèces envahissantes et la protection de la biodiversité aquatique du Canada.
Il est vital d’investir dans la recherche afin de comprendre l’impact environnemental du cladocère épineux et de développer des mesures de contrôle efficaces. Les stratégies de lutte biologique, la restauration de l’habitat et les programmes de sensibilisation peuvent faire partie d’une approche globale de la gestion de cette menace.
L’invasion des eaux canadiennes par Bythotrephes est un rappel brutal de la fragilité des écosystèmes aquatiques et de la complexité du contrôle des espèces envahissantes dans un contexte de changements climatiques. En comprenant l’impact de cette espèce et en prenant des mesures réfléchies pour freiner sa propagation, les Canadiens peuvent protéger leurs cours d’eau et la vie diversifiée qu’ils abritent.
L’action éclairée et la volonté collective sont des armes puissantes. La lutte nécessite l’engagement de tous, des scientifiques aux décideurs politiques, en passant par les communautés locales et les particuliers. Ensemble, nous pouvons enrayer la progression de Bythotrephes cederströmii et préserver l’intégrité écologique des précieux écosystèmes aquatiques du Canada pour les générations futures.
